dimanche 1 juillet 2012

Giallo veneziano






Petit canif à manche nacré, long d’un demi-doigt, c’est dans un cauchemar de Kafka, dont on sait qu’il n’est jamais allé au théâtre de La Fenice, ni seul ni avec sa femme, puisqu’il n’avait pas de femme, Rodrigo Santelli pensait que Kafka n’était jamais allé à Venise, il se trompe, Kafka était allé à Venise, en 1914, mais on sait qu’il n’est pas allé au théâtre de la Fenice, son cauchemar avec le petit canif à manche nacré n’a donc pas eu comme théâtre La Fenice, à moins que le théâtre du cauchemar n’ait été une Fenice fantasmée, comme était fantasmée la femme qu’il appelait « ma femme », Rodrigo dans sa fausse hypothèse que Kafka n’était jamais allé à Venise, avait parlé d’une Venise fantasmée, ce qui peut paraître bien plausible, puisque fantasmer Venise, vu toutes les images dont Kafka pouvait disposer, et fussent-elles en noir et blanc, fantasmer Venise, pour Kafka, n’avait donc rien d’insurmontable, Rodrigo Santelli publia une première fois son essai, une trentaine de pages, sur le cauchemar « L’incubo del temporino » chez Rombi, à Palerme, en 1934, puis une version remaniée, en 1965, chez Mondadori, avec une préface d’Italo Calvino, le petit canif à manche nacré devait, selon lui, servir à pénétrer entre les côtes du dangereux rival de Kafka, essayer d’atteindre le cœur, percer le cœur, faire éclater le cœur, et ainsi Franz, canif à la main, se serait légitimement emparé de la femme assise à côté de lui dans la loge à La Fenice.



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