jeudi 16 octobre 2014

le trombone bleu

photographisme © L. Sch.




Dans la ronde arène du Grand Cirque, ça sent mauvais, les éléphants ont encore pissé, le sable jaune et la sciure absorbent le liquide mais évaporent la puanteur, le tromboniste a peint en bleu son trombone et l’a laissé sur l’estrade de l’orchestre, à côté de son trépied, peu après minuit les derniers spots s’éteignent, une pluie d’automne tambourine bruyamment sur la toile de la tente, depuis longtemps la trapéziste n’en peut plus de son trapéziste, couple en discorde sur la corde entre ciel & terre, et ce soir la fausse note du trombone a failli leur coûter la vie, ils se sont rudement retrouvés côte à côte dans la pisse d’éléphant, cela leur a terni les paillettes, ça tombe bien, pense la trapéziste, un peu sonnée, ça tombe bien, il est aux urgences, j’espère qu’il va pas s’en tirer, pétage de vertèbres cervicales, ça craint, et moi j’ai la haine, la haine, elle erre, claudiquant un peu, parmi les réverbères de fortune dans l’enclos du cirque endormi, elle est toujours en costume de spectacle, passablement dénudée, elle a nettoyé les paillettes, le vieux léopard feule dans sa cage, dans l’obscurité elle essaye d’éviter les flaques boueuses, puis se dirige vers la grande tente, elle a mal au genou, très mal, mais son cœur va bien, très bien, et peu après, au milieu de l’arène, dans la sciure humide, le tromboniste la prend et la pénètre passionnément.


dans: "Kafka à la Fenice", improbables péripéties
chapitre 43 - inédit



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