mardi 31 mars 2015

éloge du mois d'avril...

dessin L. Sch.




Avril, le mois de mes frelons


Je te mordrai à l'épaule et tu ouvriras tes aisselles broussailleuses. Les narcisses ont essaimé, Bloomsbury Square les a disséminés aux quatre vents et tous mes frelons friands s'affolent. Une alouette montera jusqu'à l'antichambre du dieu où ça pue l’encens, la sueur et le chloroforme. On étendra le corps blanc et chaud sur un drap vert prairie et des couteaux très aiguisés en corrigeront les organes, je serai peut-être sauvé, merci pour les fleurs. Des prophètes sans voix parlent dans toutes les langues, ils sont venus sur la place du marché aux herbes déverser leurs hottes pleines de Cre­dos crétins. Mais mon âme n'est plus à vendre, je l’ai posée sur les touches du piano, elle partira avec l’impromptu de ce soir errer de cirrus en cumulus. Le ciel est couvert; mon plus bel ostensoir c'est ta vulve soleilleuse.



April, Monat der Hornissen

Sie schwärmen schon, meine Hornissen, toll nur auf dich, ich beiß dich in die Schulter, und du öffnest deine buschigen Achseln. Narzissen überall, Bloomsbury Square hat sie in die vier Winde gesetzt. Eine Lerche geht hoch, bis zum Vorzimmer des Gottes, wo es nach Weihrauch stinkt, nach Schweiß und Chloroform. Auf ein wiesengrünes Laken legt man den weißen warmen Körper, sehr scharfe Messer verbessern die Organe, vielleicht bin ich zu retten, danke für die Blumen. Sprachlose Pro­pheten reden in allen Sprachen, kippen ihre Kiepen auf den Marktplatz, Credos, Katechis­men, Quark und Blech. Meine Seele ist unverkäuflich, ich hab sie in die Saiten des Klaviers gespannt, mit dem Impromptu von heute Abend fährt sie hoch zu Zirrus und Kumulus. Der Himmel ist bedeckt. Und wenn die Nacht die Röcke hebt, seh ich die Sonne zwischen deinen Beinen.

Éloge des mois - 1981 



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lundi 30 mars 2015

éloge du mois de mars

C.D. Friedrich, Abend, 1824




Mars, mois d'un lambeau de ciel bleu    

Bien sûr, il y aura encore des giboulées, mais pendant l'éclaircie le premier hérisson se fera massacrer sur le bitume et son sang n'ira pas colorer le sommeil des coquelicots. Hérisson, mon frangin à la jolie bobèche, tu disparais sans discrétion, chaque année la même mort charcutière. Nous aurons envie d'habiter un roman gracieux, nous nous promènerons à travers les partitas et un crocus avancera son petit cône vert: régal de l'escargot. Tu mettras ta belle chemise, ton plus doux linge, le déshabillage sera une fête, pas question de passer en mars, on fera la noce et l'enfant naîtra avec l'année, de justesse. Dans les prés ça gargouille nuit et jour, prince printemps descendra des collines, beau gosse au sexe incertain évadé d'un livre d'images. Des ima­ges nous en collerons partout, sur les failles, sur les brèches, sur les gouffres où grouille la vermine. J'arracherai une bribe de ciel bleu et la suspendrai au-dessus de ma couche, ça me fera une embellie dans mes cauchemars. Je me blottis, me roule en boule, hérissant tous mes piquants à l’approche du bonheur.


März, Monat des blauen Zipfels

Ich riss ihn vom Himmel ab. Klar, Hagel wird's noch geben, doch während der erstbesten Aufhellung bleibt der Igel auf der Strecke, rote Lache auf dem Asphalt, bis zum nächsten Schauer. Igel, Bruderherz, dein Abgang ist so aufdringlich, stinkender Klumpen Fleisch. Und der Klatschmohn schlummert noch tief. In einem harmlosen Roman möch­ten wir hausen, durch die Partiten strolchen, der Krokus stößt seinen grünen Kegel hervor, und schon beißt die Schnecke zu. Zieh das schöne rote Kleid an, ich möchte dich entkleiden, wir sollten uns auskosten, wegfallen im März ist jetzt nicht mehr denkbar, und vielleicht haben wir das Kind noch vor Jahresende. In den Wiesen gurgelt es Tag und Nacht, Prinz Frühling steigt von den Hügeln, hübscher mädchenhafter Bengel aus dem Bilderbuch. Und mit Bildern kleben wir sie zu, die Risse, die Schächte, die Abgründe, wo's vor Ungeziefer wimmelt. Einen blauen Fetzen reiß ich aus dem Himmel, nagle ihn an die Wand: eine kleine Windstille für meine bösen Träume. Kugle mich zusammen, und wenn das Glück naht: alle Stacheln raus.


Éloge des mois, 1981 



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vendredi 27 mars 2015

pouaisie...

Jean-Marie Biwer, Painting, 2001




les poètes qui font de la pouaisie
sont chiants
vous n’écrivez pas encore assez mal
disait Gaston Miron aux jeunes bardes
qui ont la chatouille séraphique

je ne vous demande pas un câlin
mais du knock out

pas un battement d’aile
mais du naufrage

vos fanfreluches ne feront jamais
la corde où pendre Villon

vos peut-être ne sont jamais peut-être
vos jamais ne sont jamais jamais

vos fleurs sans tige n’engrosseraient aucun archange
et vos bien-aimées se mettent trop de rouge à lèvre

Ruine de parole, éditions phi, 1991



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mercredi 25 mars 2015

mauvaise étoile...

Jean-Marie Biwer, Plume, 2012




après l’épisode de l’étable avec le bœuf & l’âne
ils rebroussent chemin, les Rois Mages

Melchior vend ses quarante chameaux
et devient clochard dans la banlieue de Damas

Balthazar au fond d’un détroit de Cappadoce
se fait détrousser par une horde de nomades

Gaspard avec ses huit femmes s’embarque
sur l’Euphrate, ça chavire et ils se noient

faut pas suivre les étoiles, elles éconduisent



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