samedi 5 novembre 2016

PROSERIES - chapitre 94

peinture Pierre Aleschinski




Tandis que Savitzkaya chouchoute ses endives, je me penche sur le mollasse cartésianisme de Malebranche, et force m’est de reconnaître que son affairement à lui, Eugène, est bien plus significatif & utile que le mien, partout alentour ces symptômes d’anxiété & d’angoisse, comme si une glaciation était imminente, un phalloïde cactus boude dans la pénombre, comme si toutes les femmes s’étaient recroquevillées, ne permettant plus aucune éclosion, ni en métaphore ni en physiologie, cela se passe toujours ainsi quand en novembre le soleil est en retrait, disparaissant derrière une épaisse couche de grisaille, et c’est le moment que choisit Savitzkaya pour chouchouter ses endives, qui ne sont rien d’autre que de louches bites enfouies dans un terreau funèbre, puis on attend que ça pousse, croisse et s’érige, à la tombée de la nuit, quelques choucas chafouins fouinent parmi les attroupements de promeneurs attardés, à la recherche d’yeux à crever de leur bec vorace & gourmand, crever d’un coup sec, puis gober la gluante glaireuse délicatesse, tandis que moi je m’empêtre dans la pédante apologie malebranchienne, immortalité de l’âme, quel gâchis, sous la voûte gothique de la cave se prépare la craquante & fraîche amertume des endives.


PROSERIES
inédit



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