jeudi 12 janvier 2017

plus perdu que jamais - PROSERIES, chap. 98

peinture de Pierre Soulages


98.

Perméabilité aux menus événements qui n’ont aucune raison d’être ni aucune conséquence, mais qui arrivent quand même, au gré de caprices cryptés, comme ce petit coup de brise qui fait chalouper la grappe de raisins mi-mûrs, comme ce honeysucker émoustillé qui vient pendant quelques instants sucer le sexe d’un rouge hibiscus, et cette écharpe autour de mon cou qui passagèrement éloigne les maléfices, tout se passe tout le temps comme si des maléfices guettaient de partout, mais les voilà passagèrement paralysés par les vertus cotonneuses de cette écharpe, je suis incognito & en sécurité, comme c’est marqué sur les écrans lumineux, malgré la fin du monde je suis en sécurité, Nijinski esquisse le légérissime pas d’une pirouette, la corde où se pendre est rangée au fond du bahut, you wanted to die, je tremble en réentendant ces mots qui sautent sur la page au gré d’un caprice crypté, you are the one who wanted to die, je n’ai jamais compris cela et ne le comprendrai jamais, Nijinski fait glisser ses orteils graciles sur le tapis lisse pour esquisser sa pirouette, je suis plus perdu que jamais et en toute sécurité, mon écharpe déploie toute la magie de son coton.


PROSERIES
chapitre 98



.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire