mardi 7 mars 2017

immortalité - PROSERIES, chap. 114

peinture Pierre Aleschinski



114.

Il y a… il ne faut jamais commencer une phrase par il y a, et encore moins un alinéa ou un chapitre, ça n’annonce rien de bon, par contre quand l’alinéa (ou le chapitre, au cas où l’ouvrage est composé de chapitres) est déjà bien amorcé, on peut mettre il y a, soit pour introduire une phrase déclarative, soit pour lancer une énumération significative, il y a, donc, il y a surtout cette constatation infiniment mélancolique (et alarmante aussi) que les paroles dans leur ensemble sont essentiellement volatiles, éphémères & sans poids, plus nombreuses que tous les grains de sable de tous les Saharas imaginables, et par contraste le nombre moindre, mais tout de même encore superlativement important, de toutes les paroles figées/fixées par l’écriture, scripta manent, les choses écrites demeurent, attachées, retenues, captées, ancrées, amarrées, par la puissante magie des lettres de l’alphabet, ces deux douzaines de signes élémentaires & prodigieusement efficaces, quand William S. Burroughs écrit, le 28 juillet 1997, muré dans son cagibi à Lawrence (Kansas) que comparé aux chats on est relativement immortel, c’est des paroles non volatiles, puisqu’on les a, là, sous les yeux, paroles fixées, inamovibles, depuis vingt ans & à jamais, il vivait à Lawrence (Kansas) seul avec ses chats, il n’y avait plus que des chats dans sa vie, cinq jours plus tard, cinq jours après sa phrase sur les chats, le 2 août 1997, il meurt.



PROSERIES
Le Murmure du monde, vol. VI
inédit





2 commentaires:

  1. Bonjour Lambert
    http://www.lalibreriadimargherita.it/2017/02/22/lambert-schlechter-le-murmure-du-monde-la-mia-ispirazione/

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  2. l'ho scoperta soltanto stasera, la tua pagina
    grazie mille carissima

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